La série éditoriale “Histoires de Foot”, liée au podcast éponyme animé par Antoine Gagné, propose chaque semaine une rencontre avec une figure unique du ballon rond. L’ambition de footstorm.fr ? Offrir un récit inédit, contextualisé et humain, rythmé par les confidences, anecdotes et leçons partagées dans chaque épisode. Place à un grand – et à une histoire hors normes : celle de Mathieu Bodmer.
Mathieu Bodmer : du Havre au PSG, l’élégant qui aimait gagner
De ses premiers dribbles à Évreux à la direction sportive du Havre aujourd’hui, Mathieu Bodmer a tout connu : la pression des espoirs, les titres avec Lyon, la magie du PSG, la rudesse des vestiaires et la complexité du mercato. L’épisode s’ouvre sur un regard franc :
« Être directeur sportif, c’est plus exigeant que joueur. C’est 7j/7, tu ne débranches jamais… mais tu ne vis que pour le foot. »
Le Havre, Caen, et la jeunesse choyée
Formé au HAC puis à Caen, Bodmer se souvient de son intégration comme jeune espoir : « On me chouchoutait un peu trop… Les coachs me défendaient même quand j’avais tort. » Après un passage marquant sur la scène nationale, il découvre très tôt l’argent, la notoriété, et leurs revers :
« À 17 ans, je gagnais déjà plus que mes parents… et les relations familiales ont changé. C’est moi qu’on attendait à Noël, pour les cadeaux. Ça te fait grandir (ou déraper) très vite… »
Explosion à Lille : machine de Puel et épopée européenne
Bodmer est recruté par Claude Puel, coach aussi dur que visionnaire :
« Il m’a dit ‘Tu es tout sauf un joueur de foot’… avant de faire de moi une machine. » Entraînements physiques épuisants, mental forgé à coups d’humiliation constructive, il rejoint l’élite d’un groupe qui brille en Ligue 1, puis découvre l’intensité de la Coupe d’Europe (Manchester United, Benfica, Villareal).
Dans ces années, l’exigence de groupe, la qualité du vestiaire et la transmission de la culture club laissent une marque indélébile : « À Lille, c’était famille, solidarité, construction. »
Lyon : gagner avant de jouer
Il franchit un cap en rejoignant l’OL, « le plus grand club français de l’époque », au sein d’un vestiaire de patrons (Juninho, Cris, Benzema, Ben Arfa…).
« Quand tu entres là, tu as l’impression d’avoir gagné avant même d’avoir joué. Le niveau monte, chaque détail compte. Les matches de mercredi à l’entraînement s’avéraient parfois plus durs que les rencontres de Ligue 1 officielles. »
Son témoignage sur Benzema et Ben Arfa est vibrant :
- Sur Benzema : « Il ne ratait jamais un contrôle. Travailleur obsessionnel, déjà sûr de lui à 20 ans. »
- Sur Ben Arfa : « C’est un génie, mais pas un joueur rationnel. Comme Messi… il voit des passes que personne ne voit. »
PSG, entre rêve et tempête
Pour Bodmer, le PSG est un rêve de gosse : « Soit je signe au PSG, soit j’arrête… C’était mon club de cœur. » Il vit l’arrivée des Qataris, l’ambition de Nasser, la bienveillance d’Ancelotti qui invite ses parents à dîner avec l’équipe, mais aussi des conflits retentissants, jusqu’à son célèbre clash avec Leonardo :
« Je l’ai insulté devant l’émir… Le lendemain, j’étais à Saint-Étienne. »
Il évoque la difficulté à vivre la transformation brutale du club, la gestion de stars, l’adaptation aux exigences nouvelles et la pression constante de gagner vite (en Coupe de France, Ligue des Champions…). Une période exaltante mais parfois épuisante.
Nice, Amiens, Guingamp : la quête de plaisir et de transmission
Après Paris, Bodmer retrouve un plaisir perdu à Nice, puis à Amiens, Guingamp ou encore Saint-Étienne où il joue un rôle de cadre dans le vestiaire. Ces années sont marquées par la transmission, le rôle de grand frère auprès des jeunes et la gestion humaine dans des contextes très différents des mastodontes de la Ligue 1.
La reconversion : consultant, direction, et la passion de former
Son après-carrière reflète la polyvalence de l’homme : consultant télé, puis directeur sportif au Havre, il partage sans filtre les coulisses du métier :
- La gestion du centre de formation, cœur du recrutement dans les clubs à petits moyens
- L’imprévu des droits TV qui bouleverse toute une Ligue 1 et la vie économique des clubs
- L’implication dans la découverte et le développement de talents, notamment via la plateforme Precision Play Soccer, aux côtés de Jeremy Pastel, pour offrir une passerelle entre l’Amérique du Nord et l’Europe.
Pour lui, « former, c’est lancer des jeunes, oser les responsabiliser très tôt, et leur apprendre les codes de la vie professionnelle et du vestiaire. »
Anecdotes et enseignements-clés du podcast
- Sa relation avec Claude Puel : « Si tu ne prolongeais pas, tu devenais numéro 3. J’avais la tête dure… lui aussi. Mais j’ai appris à être pro avec lui. »
- L’évolution des salaires : « Les droits TV ont explosé, les erreurs aussi. On a payé trop cher trop longtemps. Il fallait tout remettre à zéro. »
- La gestion du vestiaire : « J’ai été capitaine à Nice, Amiens, j’ai dû encadrer sans relâche, réconcilier des générations. C’est du management pur. »
- La pression du PSG : « La transformation du club a été un choc pour tout le monde, même en interne. Il faut parfois savoir tout recommencer. »
- La formation à Caen : « Au début, tout était peu encadré. Arrivé de Nass Larguet en directeur, ça change tout : rigueur, école, surveillance… C’est là que j’ai vraiment appris le métier. »
Conseils aux jeunes joueurs
En conclusion, Bodmer partage une vision lucide et bienveillante :
- L’humilité d’autant plus nécessaire dans une carrière éclair, où argent et notoriété déstabilisent vite les repères.
- L’obligation de planifier la suite, la reconversion, sans jamais croire que le train de vie va durer « ad vitam ».
- La passion comme clé et baromètre pour traverser les tempêtes du métier et préparer l’après-foot.
Conclusion : Un destin de patron, entre sens du collectif et liberté revendiquée
Le parcours de Bodmer, c’est l’histoire d’un footballeur esthète, aussi efficace que fidèle à ses principes : aimer le jeu plus que les ego, la fidélité au club de cœur (PSG), oser se rebeller pour rester soi-même. De l’enfant d’Évreux à la figure respectée des clubs pros, il rappelle que les plus grands sont aussi ceux qui marquent par leur élégance, leur sincérité et leur refus de tout compromis sur la passion et l’intégrité.
Retrouvez l’épisode intégral (2h18) de ce récit hors normes :