Dans le nouvel épisode du podcast Histoire de Foot, Quentin Martin raconte la trajectoire rare d’un footballeur sans réseau, ni centre, ni piston, mais avec une passion chevillée au corps. Un récit de carrière sur le fil, où la persévérance et la douleur croisent la magie de la Coupe de France — et la réalité parfois cruelle du foot semi-pro en France.
Les débuts sans plan, le National en guise d’école de la vie
Formé à Perpignan et recalé des centres à Castelmaurou, OM, Toulouse ou Bastia, Quentin Martin se construit “par la petite porte”. Sa recette ? Un sport-étude, beaucoup de kilomètres, un père discret mais fidèle dans le froid des entraînements, et la certitude tranquille : “Je savais que j’allais finir pro. J’étais bon.”
C’est à Béziers que tout démarre vraiment, propulsé de CFA à National. Là où l’on découvre le foot “charbon” : vestiaires riquiquis, kiné externe, salaires de 1300 euros, mais la flamme intacte et un vestiaire soudé dans la galère. Le rêve, ce sont les montées, les vendredi soirs, le premier match à Martigues qui scelle le début d’une aventure insoupçonnée.
La rencontre avec la Ligue 2 : pression, bonheur et galères
Montée à Bourg-en-Bresse, première Ligue 2, Quentin signe et découvre l’univers pro : les stades pleins, les galettes d’entraînement et la pression qui fige le geste. “À l’entraînement j’étais monstrueux, mais en match j’étais bloqué.” Le choc du haut niveau, c’est aussi la peur de mal faire qui te kidnappe, même au moment de jouer à Bollaert.
L’agent qui te promet la lune, la famille qui rame derrière, la vie de footballeur “très surestimée” loin des paillettes. Tout change un soir de gala face à Lyon : la confiance, enfin, l’envie, et les sollicitations de clubs supérieurs. Mais le rêve se brise vite.
Le cauchemar des blessures, du chômage à la dépression
Croisés, pubalgie, puis double rupture du tendon d’Achille : le corps lâche, la tête encaisse. Quentin enchaîne huit opérations, passe plus de temps chez le kiné qu’à l’entraînement, découvre la solitude du joueur blessé et la dépression — noir total : “J’ai tout donné, mais le travail ne paye pas toujours.”
La réalité, c’est l’interim, les clubs qui tournent la page, les conseils médicaux contradictoires, la routine d’anti-inflammatoires, et les moments où tout s’effondre. Loin de la Ligue 1, les poches et le mental se vident plus vite que les stades du National.
Le miracle Canet-Roussillon, la magie d’un soir
Des mois d’errance plus tard, la lumière revient lors d’un soir fou de Coupe de France. Canet-Roussillon terrasse l’OM : “Jour de mon anniversaire, on leur donne une leçon de foot. Un cadeau inoubliable, une revanche sur tout.” Quand la passion se mélange à la rage de survivant, renaît l’adrénaline du grand soir.
Mais la vie, là encore, rappelle à l’ordre. Nouvelle rupture du tendon d’Achille à Villefranche, puis rechute quelques minutes après le retour. “Je me suis battu un an pour jouer… cinq minutes. J’ai failli causer un penalty avant de me re-blesser.” Le corps dit stop, même si l’envie, elle, refuse d’abdiquer.
Reconversion, solitude et résilience
Après être passé par toutes les émotions (“Ma passion est devenue mon pire cauchemar.”), Quentin trouve enfin son équilibre hors du terrain. Comment se reconstruire après tant d’années à vivre “que pour le foot” ? “J’ai envie de rayer le foot de ma vie, mais je suis mon neveu, je vais voir ses matchs. C’est une autre façon de me découvrir.”
Dans sa voix, on sent le poids des sacrifices, des samedis d’hiver, des espoirs avortés… mais aussi cette humilité rare, ce recul : “Le travail ne paye pas toujours, et la vie d’un footballeur reste très surestimée.”
La boucle est bouclée : message à la génération d’après
Du CFA à la Ligue 2, du fond du trou à la lune contre l’OM, Quentin Martin livre un témoignage nu et bouleversant, loin des interviews aseptisées. Magnifique leçon d’humanité, de courage, et de lucidité pour quiconque rêve de ballon et de projecteurs : “La résilience face à l’adversité, la solitude du joueur blessé, le processus d’acceptation après une carrière brisée… Rien n’est jamais gagné, tout reste à (re)construire.”
À tous ceux qui croient que le foot c’est “glamour, strass et transferts”, l’histoire de Quentin donne un autre visage : celui de la vérité, crue mais essentielle. Un épisode fort, un homme debout, et une tempête de vie comme seuls les podcasts Histoire de Foot savent en révéler.